lundi 26 septembre 2011

un art coupé de ses racines

Récemment, une exposition était organisée à la cité industrielle de Vincennes où j'ai mon atelier. A l'occasion, plusieurs artistes étaient invités à intervenir sur les murs de l'édifice comme cela a souvent été le cas lors des évènements organisés par Degré 6.
Généralement,les graffeurs invités proposent des visuels créatifs forts voir très énergisants pour certains -http://www.streetlove.fr/news/sauvons-la-jarry.html-
Les 36 000 m2 sur 7 niveaux de la cité industrielle offrent suffisamment de murs pour que chacun y trouve l'espace nécessaire à son projet et si nécessaire, ils peuvent être repeints pour laisser la place à d'autres propositions.

Cette fois-ci, Degré 6 a donné l'autorisation à un graffeur de s'exprimer sur la façade de la cité industrielle, bâtiment des années 30*.


Il me semble que Degré 6 aurait dû consulter l'association gestionnaire des lieux avant de laisser un artiste extérieur s'approprier l'identité de la cité industrielle, d'autant que Degré 6 milite pour le sauvetage des lieux. La mairie de Vincennes ne montre en effet aucune volonté politique pour conserver ce monument historique. Après sa démolition prévue en 2012, un lycée devrait sortir de terre sur les ruines  de ce qui aurait pu devenir un espace culturel de référence pour la ville et la région. Ce Paradigm géant est à mon avis l'idée la moins efficace pour s'attirer les bonnes grâces de la municipalité et de nos voisins.

Si degré 6 tire son nom des 6 degrés de séparation qui séparent désormais n'importe quel individu sur terre de toute autre personne grâce aux multiples réseaux sociaux que comptent internet, cette association indépendante de Jarry've revient -l'association gestionnaire des lieux- n'a pas su faire trois clics pour demander l'avis de ces colocataires. On peut dire que ce n'est pas très démocratique de faire passer en force un projet que peu de monde approuve, mais il faut croire que l'assemblée parlementaire n'a plus beaucoup de poids de nos jours.

L'artiste qui ne fait pas parti de l'association est donc devenu malgré nous notre porte-drapeau : le mot Paradigm devient l'étendard imposé pour toute une communauté. Parlons donc un peu de ce qu'il signifie.

J'ai éprouvé une profonde colère en découvrant ce message : Paradigm, en anglais dans le texte, prenant un étage de l'égnimatique bâtiment. Pas seulement parce que le bâtiment a été affecté mais surtout en raison la médiocrité de la proposition artistique qu'on imposait sur ce qui est devenu mon lieu de création. 
Ecrire "Paradigm", c'est l'équivalent conceptuel d'un terrible aveu d'impuissance : au lieu de transposer une vision du monde par des moyens plastiques, on se contente d'écrire le mot. Démerdez-vous, moi j'ai la flemme ! 
Cela doit être suffisant pour se proclamer artiste car Maxime, le représentant de Degré 6 me l'a dit " Reko est super connu, il fait ça dans le monde entier ! tout le monde adore..."

Cette notoriété, que personnellement je n'ai pas pu vérifier, donnerait-elle une quelconque légitimité à un artiste pour répandre un message d'impuissance sur la façade d'un collectif comprenant un grand nombre d'artistes, d'artisans et de gens du spectacle qui, eux, se posent vraiment la question de la meilleure façon de représenter le monde ?
Car au fond, qu'est ce que ce Paradigm a à voir avec nous, avec les gens qui passent devant la Cité industrielle ? Et tant qu'on y est, pourquoi Paradigm et pas les mots "émotion", "esthétique" ou "concept" ? 


Le seul mérite du Paradigm de Reko, comme de toute œuvre conceptuelle médiocre, est très involontaire : celle d'incarner un contre-exemple, celui d'un art qui s'est coupé de ses racines et qui me semble faire partie d'une autre époque où la théorie était devenue un temps un recours pratique pour ceux qui manquaient de créativité. Dommage en 2011 de trouver ce type d'oeuvre sur la façade d'un lieu qui, lui, regorge de créativité.




 *architecture révolutionnaire pour l'époque puisqu'elle proposait eau, éléctricité, et gaz à tous les étages, sans compter son parking sur le toit et toutes les commodités offertes aux ouvriers et leurs familles de l'époque.
http://jarryverevient.org/

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